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Entretien avec Greg Kroah-Hartman au Kernel Recipes 2014

A l'occasion de l'annonce de la prochaine édition du Kernel Recipes qui aura lieu les 29, 30 septembre et 1er octobre, InfoQ revient sur l'édition de 2014, durant laquelle nous avons pu rencontrer Greg Kroah-Hartman, membre de la Linux Foundation, responsable des releases stables et mainteneur de plusieurs sous-systèmes.

InfoQ FR : Bonjour Greg, peux-tu te présenter ?

Greg Kroah-Hartman : Je m'appelle Greg Kroah-Hartman, je travaille pour la Fondation Linux. Je suis développeur sur le noyau Linux, je maintiens pas mal de parties du noyau comme la couche TTY, USB, driver core entre autres. Et je livre les noyaux Linux de branches stables aussi. Je fais à peu près une livraison stable hebdomadaire.

InfoQ FR : Pourquoi apprends-tu aux gens comment hacker le noyau ?

Greg Kroah-Hartman : Parce qu'on a besoin de plus de développeurs sur le noyau. Il y a de plus en plus de matériel que le noyau Linux a besoin de supporter, il y a plus d'appareils, de cas d'utilisation. Nous avons besoin d'autant de développeurs noyau que possible.

InfoQ FR : Combien de développeurs travaillent sur le noyau actuellement ? N'est-ce pas déjà suffisant ?

Greg Kroah-Hartman : L'an dernier, on comptait 3 400 développeurs ayant contribué au noyau, et oui çà fait beaucoup. Mais on a toujours besoin de plus ! Ce que je veux dire, c'est qu'on a toujours besoin de plus d'aide. Beaucoup d'autres projets open source ont besoin d'aide, et on n'a pas forcément besoin de travailler sur le noyau pour contribuer à Linux. D'autres projets ont aussi besoin d'aide.

InfoQ FR : Comment dois-je m'y prendre pour contribuer du code au noyau ?

Greg Kroah-Hartman : On a de la documentation qui explique comment soumettre des patches, c'est dans le noyau et çà s'appelle SoumettreDesPatches (SubmittingPatches), c'est le nom du fichier (rires). Lisez-le, cela explique comment formater un patch, comment l'envoyer, ce que nous recherchons, quels sont les prérequis... Nous avons des outils automatisés qui vont tester le patch et vérifier que son format est correct, des outils qui vont vous dire à qui envoyer le patch. Tout cela est documenté.

InfoQ FR : Comment en es-tu arrivé à enseigner aux gens comment contribuer à Linux ?

Greg Kroah-Hartman : Je suis développeur sur le noyau Linux depuis longtemps. J'ai vu que les gens avaient besoin d'un moyen simple pour comprendre comment s'impliquer. Je répondais sans arrêt aux mêmes questions, et donc une grande partie de mon travail consiste à aller un peu partout pour expliquer les règles du jeu et comment participer, en montrant aux gens quoi faire. Et ce que je fais beaucoup aussi, c'est expliquer aux entreprises comment faire tout çà, parce que pour étoffer leur support de Linux, les entreprises doivent s'impliquer. J'en suis arrivé à faire ceci très tôt quand je suis arrivé à la conclusion qu'il fallait quelqu'un pour aider les gens à participer.

Mais je ne fais pas çà tout seul, mais alors pas du tout. Beaucoup de développeurs sur le noyau aident et apportent de nouveaux contributeurs, qui mentorent des stagiaires, qui participent au Google Summer of Code. Donc je suis loin d'être le seul.

InfoQ FR : Tu travailles donc à faire en sorte que des entreprises contribuent au noyau, mais la Fondation Linux est une organisation à but non lucratif. Il existe deux statuts principaux, peux-tu développer ?

Greg Kroah-Hartman : Aux Etats-Unis, on trouve des organisations à but non lucratif à destination des personnes ou des entreprises. Les organisations caritatives travaillent pour les personnes, et les autres - comme la Fondation Linux - dans l'intérêt de l'industrie. Nous sommes donc une organisation à but non lucratif pour les entreprises. On ne peut pas bénéficier d'un crédit d'impôts en faisant un don par exemple.

Ce sont plutôt des entreprises qui vont se réunir et réaliser qu'il est dans leur intérêt de supporter Linux. Cela permet aussi à des entreprises qui sont habituellement en concurrence - disons HP, IBM et Intel - de se réunir et travailler à ce que Linux soit un succès d'une manière légale. Parce que sinon, des entreprises en compétition chez qui on suspecte une collusion risquent des poursuites pour concurrence déloyale ou pratiques monopolistiques.

C'est donc un moyen légal offert aux entreprises pour supporter leur communauté, mais aussi supporter leur intérêt - ce qui est le cas de Linux - et ceci, elles le réalisent. On n'a donc que deux développeurs à la Fondation Linux. On ne fait pas vraiment de développement, on aide la communauté et les entreprises à se structurer autour de Linux.

Mais la Fondation Linux fait d'autres choses, comme des évènements collaboratifs. Si deux entreprises veulent travailler sur un projet comme Tizen, elles peuvent le faire légalement au sein de la fondation. Il y a aussi les conférences comme la Linux Con partout dans le monde (Europe, Etats-Unis, Japon, Corée) pour aider la communauté à éduquer les entreprises et inversement. La communauté apprend aussi des entreprises, çà marche dans les deux sens.

InfoQ FR : Ta première contribution ?

Greg Kroah-Hartman : Mon tout premier patch ciblait le sous-système (subsystem) USB pour corriger un bug lié à de la manipulation de texte. Et il a été accepté. Et "Wouah ! Mon premier patch a été accepté !". J'ai contribué quelques autres petits patches, et ensuite j'ai écrit un pilote pour un de mes appareils qui n'était pas supporté. Je l'ai soumis, et cinq minutes plus tard, je recevais plein de réponses "là çà ne va pas, là non plus", et j'ai trouvé cette revue de code géniale. J'ai donc continué sur ma lancée, j'ai corrigé ce qui n'allait pas et j'ai continué à contribuer.

InfoQ FR : Tu travailles toujours sur le sous-système USB ?

Greg Kroah-Hartman : Oui, je suis toujours le mainteneur USB mais je n'écris pas beaucoup de nouveau code. Les mainteneurs sont comme des éditeurs. Nous faisons une revue des soumissions de nos pairs, nous leurs indiquons les problèmes à régler, nous acceptons, nous rejetons...

Et de temps en temps, nous avons notre propre projet à côté, des choses sur lesquelles nous travaillons. De temps en temps, je vois une API à changer pour faciliter les choses, alors je fais le tour du noyau pour la corriger. Ou bien je corrige de petits bugs, ce genre de choses.

InfoQ FR : Quand l'industrie ne s'implique pas, tu dois souvent faire de la rétro-ingénierie sur des appareils USB ?

Greg Kroah-Hartman : A l'origine, on l'a fait. Nous avons étudié beaucoup d'appareils et de protocoles. Ce n'est pas mon point fort (rires)... Et maintenant, nous avons le problème inverse. Nous avons plus d'appareils qui veulent un support de Linux. En fait, il n'y a quasiment plus d'appareil USB qui ne soit pas supporté par Linux. Je prends beaucoup de temps pour m'occuper de pilotes écrits par des entreprises, pour les nettoyer et les intégrer. Parce que toute entreprise a un pilote Linux pour son matériel quelque part.

InfoQ FR : Tu trouves toujours le temps de coder ?

Greg Kroah-Hartman : Oui ! Il y a encore des choses sur lesquelles je travaille quand on a besoin de moi, oui.

InfoQ FR : Et tu maintiens d'autres projets en plus du noyau ?

Greg Kroah-Hartman : J'ai quelques programmes en espace utilisateur que j'ai écrits et que je maintiens, mais je passe la plupart de mon temps à travailler sur le noyau.

InfoQ FR : Et tu as d'autres centres d'intérêt en informatique ?

Greg Kroah-Hartman : En dehors de Linux ? Non (rires) ! Il fut un temps, je travaillais sur de l'embarqué, des appareils minuscules sur lesquels tourne du Linux.

InfoQ FR : Merci Greg !

Greg a présenté des chiffres sur le développement du kernel Linux et sur les processus mis en place pour contribuer. Sa conférence est disponible en ligne.

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