Pour tous les afficionados de la technique et de l'entrepreneuriat, les startups sont LE modèle qui fait rêver. L'écosystème des startups françaises à le vent en poupe avec la "French Tech", ou la pépinière gouvernementale. Sébastien Bourguignon a passé l'année à récolter des portraits de startupers Français et publie un livre blanc sur le sujet.
InfoQ FR a eu l'opportunité de discuter avec Sébastien Bourguignon pour la sortie de l'ouvrage de la génèse de l'idée, des moyens pour la mettre en œuvre, des difficultés rencontrées et des apprentissages sur le milieu des startupers français, dont une courte description est présente ici.
InfoQ FR : Sébastien, pourriez-vous vous présenter ?
Sébastien : Je suis manager IT dans le secteur assurance, passionné par l’innovation, le numérique et le management, je m’intéresse particulièrement aux mécanismes liés à l’entrepreneuriat, et en particulier aux startups. Mon rôle au quotidien est d’accompagner mon entreprise et ses clients dans la transition numérique, que cela passe par la mise en œuvre de nouveaux moyens de vendre et distribuer ses produits et services, améliorer la connaissance client, ou transformer l’organisation et les méthodes de travail, entre autres grâce à l’agilité.
J’ai acquis de fortes convictions depuis plusieurs années sur les changements de paradigmes liés au tout numérique, en particulier sur le fait que tout un chacun est concerné par ces enjeux, et que sans prise de conscience de la part des entreprises et des individus, une rupture va se créer. Cette scission se fera entre ceux et celles qui seront à l’aise et sensibles aux nouveaux usages et nouvelles pratiques liées au digital, et ceux qui auront soit décidés sciemment soit baissés les armes et qui resteront sur le bord de la route à regarder le train passer.
Je suis passionné par l’innovation, le numérique et le management, l’entrepreneuriat est devenu tout naturellement une nouvelle passion depuis quelques années, d’ailleurs j’ai terminé cette année un Master en Management Global des Entreprises à Dauphine qui m’a donné les clés pour comprendre les enjeux de l’entrepreneur.
InfoQ FR : Vous publiez un livre blanc "Portrait de startuper". D'où vous est venue cette idée ?
Sébastien : #PortraitDeStartuper est un projet fou que j’ai entamé fin mai 2015 avec plusieurs objectifs initiaux. Le premier est lié à une envie profonde de lancer ma propre startup, de tenter l’aventure startup, mais en même temps, je me pose énormément de questions sur les difficultés que cela représente, les compétences que cela nécessite ou encore le profil qu’il faut avoir pour faire ce métier. L’idée a donc germé comme cela, obtenir les réponses à mes questions en demandant à ceux qui l’ont déjà fait, qui ont déjà essuyé ces plâtres, qui pourront me donner une matière première que seul ceux qui se sont lancés dans l’aventure startup peuvent donner.
Et puis, un autre objectif était lié à ce projet, j’avais mon blog depuis quelques mois qui avait bien décollé, et je cherchais un contenu de qualité, à valeur ajoutée à mettre en ligne en exclusivité dessus. #PortraitDeStartuper est alors devenu une évidence pour combler ce besoin. Ce que je ne savais pas encore, c’est le carton que ferait ces travaux sur les réseaux sociaux, les rencontres que cela allait générer et les échanges riches que j’allais pouvoir avoir avec tous les interlocuteurs qui participé ou contribué de près ou de loin au projet.
InfoQ FR : D'après vous, qu'est-ce qui excite et fait tant rêver autour de l'idée startup ?
Sébastien : Il y a un côté mystérieux de cet univers, on a tous dans notre entourage des amis, de la famille ou des connaissances qui sont entrepreneurs, mais des startupers, c’est déjà plus rare. On en parle beaucoup à la télé ou dans les médias, c’est aussi un peu le sujet de 2015, en particulier avec la French Tech qui a été lancée en novembre 2014. Et puis, on connaît tous les réussites fulgurantes de startups françaises ou étrangères, qui en quelques années sont passées du statut d’inconnues à celui d’entreprises médiatiques. Il y a un peu l’idée finalement d’un nouvel Eldorado derrière le terme startup, cela a sûrement une influence importante sur l’euphorie qu’il peut y avoir autour de cet écosystème.
InfoQ FR : Par rapport aux portraits que les lecteurs peuvent retrouver sur votre site, que contient ce livre blanc ?
Sébastien : Ce livre blanc va être un condensé des 80 portraits qui ont été réalisés en 2015, il contiendra aussi l’excellente étude que nous avons réalisée en partenariat avec le site Monkey tie sur le profil type du startuper. Et puis surtout, des grands noms du monde de l’innovation, du digital et des startups ont contribué en préface du livre blanc pour donner leur avis sur l’environnement ultra dynamique et innovant des startups. Les contributeurs qui ont accepté de livrer leur point de vue sont :
- Guy Mamou-Mani – Président du Syntec Numérique
- Pascal Buffard – Président du CIGREF
- Gilles Babinet – Digital Champion et Membre du Conseil Stratégique EY
- Pierre Pezziardi – Entrepreneur en résidence chez SGMAP
- Pierre Gohar & Tania Di Gioia – Directeur et Adjoint de l’Innovation de l’Université de Paris Saclay
- Alexandre Stopnicki – Directeur pédagogique à L'institut Léonard de Vinci
- Alban Jarry – Blogger et Expert du Digital
- Emmanuelle Leneuf – Journaliste et Créatrice du @Flashtweet
- Frédéric Charles – Blogger et Expert du Digital
- Frédérique Clavel – Fondatrice de Paris Pionnières
- Nicolas Hazard – Président du Comptoir de l’Innovation
- Eric Burdier – CEO Axeleo
- Jonathan Vidor – CEO JVWEB
- Vincent Auriac – Président d’Axylia
- Xavier Milin – CEO Basics Finance et Dirigeant du Startup Leadership Program
- Jean-Christophe Conticello – CEO Wemanity
- Sébastien Delayre – Director of the Agile Enterprise Business
- Grégoire Linder – CEO Raizers
InfoQ FR : Quelles ont été les difficultés majeures de votre entreprise ?
Sébastien : Finalement, la plus grande difficulté aura été de concilier mon activité professionnelle, ma vie de famille et le projet en tant que tel. Si je devais relever une autre difficulté au-delà de concilier ces différents aspects, cela aura été de se lancer dans cette aventure avec une grosse dose d’incertitude et culot, et passer outre la peur du « qu’en dira-t-on ».
InfoQ FR : Généralement, les retours sur les questionnaires à des inconnus sont assez faibles. Comment cela s'est-il passé pour vous ? Quel taux de retour avez-vous obtenu ?
Sébastien : J’ai eu environ 40% de taux de réponse, sachant que je me suis adressé à chaque fois de manière personnalisée à chaque startuper. J’ai contacté en tout 220 startupers, 80 font partie de la saison 1 et seront présents dans le livre blanc, et 11 ont déjà répondu à ma sollicitation, ils seront dans la saison 2 début 2016.
InfoQ FR : La partie la plus compliquée d'une telle entreprise est souvent d'arriver à ce que les gens ouvrent la porte. Qu'avez-vous fait pour obtenir autant de retours ?
Sébastien : Je pense que ma proposition de participation au projet était tout d’abord humble et positive, je ne leur demandais rien, je leur proposais de faire partie d’une aventure et leur faire profiter de ma visibilité pour les mettre en avant. Et puis, ce qui a sûrement joué en ma faveur, c’est le fait que les premiers ayant répondu ont servi de caution pour les suivants, cela a dû débloquer certaines réticences. Par ailleurs, j’ai eu aussi beaucoup de mises en relation grâce au réseau que j’ai développé et aux réseaux sociaux en particulier, auquel cas les réponses ont été largement facilitées.
InfoQ FR : La croyance populaire veut que le/la Français(e) soit peu entrepreneur. Comment cela raisonne-t-il avec les startupers ayant répondu ? Avez-vous trouvé un profil type du startuper frenchy ?
Sébastien : Je pense que cette croyance commence à perdre en consistance en regard du volume de startups françaises qui existent et se créent tous les ans. Les statistiques sont difficiles à obtenir, j’entendais Emmanuel Macron intervenir sur une radio nationale et expliquer qu’il y a 1 000 à 1 500 nouvelles startups par an. Je pense que la tendance est en train de changer, et quelque soit la tranche d’âge. Il est clair que les jeunes générations prennent plus facilement le virage entrepreneurial à la sortie de l’école, voire même en cours de formation. J’ai quelques contributions du livre blanc qui portent d’ailleurs sur ce thème.
Concernant le profil type de startuper, non seulement je l’ai trouvé, mais en plus grâce à un des startupers du projet. Jérémy Lamri, CEO de Monkey tie, m’a proposé un challenge passionnant avant l’été, faire passer un test de personnalité disponible sur son site (le Big 5) aux startupers du projet. J’en ai contacté une soixantaine et 26 ont accepté de le réaliser, encore un bon taux de transformation. Nous avons décortiqué les résultats et avons publié une étude début novembre que l’on peut retrouver ici.
InfoQ FR : Etant donné la taille du panel que vous avez mobilisé, quels éléments ont confirmé ce que vous pensiez et lesquels vous ont surpris ?
Sébastien : Ce qui m’a le plus surpris, ce sont les parcours de ces entrepreneurs, entre ceux qui ont un parcours plutôt de serial entrepreneurs, ceux qui ont commencé par le salariat avant de se lancer dans l’aventure startup, ou ceux qui ont un peu fait ça par hasard. Finalement, il n’y a pas de voie toute tracée pour toutes ces individualités.
Ce que cela m’a confirmé, c'est que pour se lancer dans une création de startup, il faut être sacrément persévérant, résilient même. Ils ont tous rencontré énormément de difficultés, ils en rencontrent quotidiennement, mais finalement ils ont cette force intérieure qui les pousse à toujours avancer, à remonter en selle lorsqu’ils tombent sur un os, ce sont un peu des guerriers des temps modernes. D’ailleurs leur archétype dans le cadre de l’étude que nous avons réalisé est Iron Man.
InfoQ FR : Avec vos 80 portraits, avez-vous trouvé une martingale expliquant la réussite des startups ?
Sébastien : J’aurais aimé, mais la réalité est toute autre, il n’y a pas de recette miracle, il y a plus un ensemble de choses à surveiller, comme en particulier la trésorerie de l’entreprise ou encore la qualité des relations au sein de l’équipe d’associés, il s’agit des 2 facteurs clés de succès d’une startup.
InfoQ FR : Les deux modèles à la mode en ce moment autour de la création d'entreprise sont le Business Model Generation et le Lean Startup. Quel est le degré de pénétration de ces pratiques parmi vos répondants ?
Sébastien : Globalement, le Lean Startup reste la pratique la plus répandue. En revanche, je constate que tous ne la connaissent pas. Ces démarches qui sont pourtant connues des experts des méthodes agiles, sont encore assez confidentielles même lorsqu’il s’agit de l’univers startup. Je n’ai pas de statistiques, mais sur l’ensemble des startups ayant participé au projet, un grand nombre n’ont pas adopté une pratique Lean Startup pour leur développement.
InfoQ FR : Si nos lecteurs veulent se lancer dans la création d'une startup, quels conseils leurs donneriez-vous ?
Sébastien : Le même que je lis et relis de tous les startupers qui ont répondu à mon projet : lancez-vous, soyez attentif à la gestion de votre cash, et choisissez bien vos associés. Et puis si vous voulez savoir si vous avez les caractéristiques d’un startuper, passez le test Big 5 de Monkey tie et comparez vos résultats à ceux de notre étude.
InfoQ FR : Maintenant que vous avez fini ce premier volume, quels sont les prochaines étapes et projets ?
Sébastien : Tout d’abord, le projet #PortraitDeStartuper va faire une pause jusqu’à début 2016, l’objectif étant dans l’intervalle de faire un travail de fond de promotion du livre blanc, et cela va prendre pas mal de temps entre la sortie et la fin de l’année.
Une exclusivité, je travaille en ce moment à l’organisation d’un événement en 2016 autour de l’univers startup, mais pour le moment il s’agit encore d’un projet qu’il faut débroussailler, mais cela pourrait aboutir sur quelque chose de vraiment génial. Je n’en dis pas plus, j’en parlerai sûrement dans les prochains mois sur mon blog.
Et puis, début 2016 la saison 2 de #PortraitDeStartuper va redémarrer, avec sûrement de nouveaux rebondissements, je ne les connais pas à l’avance, mais je sais déjà que la probabilité que cela arrive est réelle.
Enfin, de nouveaux articles sur médias sociaux, des collaborations à venir avec des contacts divers et variés pour enrichir l’expérience de mon blog, de nombreux projets en somme.
InfoQ FR : Merci Sébastien pour cet entretien, et bonne continuation !