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Architecture Socio-Technique

Points Clés

  • Le bonheur des développeurs fait le bonheur des clients et des actionnaires.
  • L’autorité est inefficace si les équipes sont compétentes et talentueuses
  • Le design socio-technique des systèmes apporte une nouvelle vision de la qualité de vie et de l’humanisme au travail
  • Pour créer un environnement magique où l’âme de nos équipes peut prospérer, il faut créer les conditions permettant le développement et l’épanouissement des liens entre ses membres. 

Quand j’ai lu les chiffres sur l’engagement des employés au travail dans le monde entier du rapport sur l’état global du monde du travail en 2021 par Gallup, j’ai été choqué de voir que, en moyenne, le niveau d’investissement des employés est d’environ 20%. Cela signifie que seulement 2 personnes sur 10 sont satisfaites et épanouies dans leur emploi. Seuls les USA et le Canada dépassent les 30%. La plupart des autres pays sont bien en dessous, avec l’Europe de l’Est obtenant un score honteux de 11%. Cette statistique est globale et ne prend pas en compte le type d’emploi, mais à mes yeux elle reflète l’insatisfaction que j’observe chez beaucoup de développeurs, en particulier dans les plus grandes entreprises. J’ai aussi remarqué que les plus malheureux d’entre eux sont aussi les plus experts dans leur domaine.

J’ai voulu comprendre d’où provenait ce mal être, nous avons donc commencé notre propre investigation chez Alcor Academy

Nous avons interviewé plusieurs chefs de projets et managers dans des entreprises de la tech, et nous leur avons demandé quelles étaient les problématiques majeures qu’ils rencontraient dans leur environnement.

Nous avons recensé les problèmes les plus récurrents :

  • Les équipes de développement ne sont pas alignées avec les valeurs métiers
  • Les équipes sont ralenties par leur dépendance à des process ou personnes tierces
  • Une prise de décision de la hiérarchie mal perçue met en péril la confiance dans le management d’équipe
  • Attirer et retenir des experts compte tenu d’un turnover très élevé
  • La plupart des gens restants sont peu investis et peu impliqués

Je suis d’accord avec Patrick Lencioni quand il dit qu’ «une entreprise saine a moins de contraintes et de confusions, une plus grande morale et une plus grande productivité, un taux de turnover non désiré plus bas, et des coûts de recrutement plus bas qu’une entreprise en mauvaise santé»

De ce point de vue, les statistiques présentées par Gallup et nos conclusions précédentes mettent en lumière des signes d’une mauvaise santé du monde de l’industrie. Que pouvons-nous faire pour remédier à cette tendance ? Comment améliorer l’état actuel de l’industrie ?

Il me semble qu’un changement collectif d’état d’esprit doit avoir lieu.

C’est l’esprit collectif d’une organisation qui détermine son efficacité générale, sa productivité et son niveau de réussite. - Bob Marshall

C’est la raison pour laquelle chez Alcor Academy nous nous sommes concentrés sur les architectures socio-techniques qui aident à promouvoir les cultures d’entreprise saines où tout le monde est gagnant : les actionnaires, avec la haute productivité et le bon rendement; les clients, ravis des produits fournis, et les développeurs, impliqués et accomplis dans leur travail.

Socio-Technique

Le terme «socio-technique» apparaît pour la première fois dans une étude d’Eric Trist et Ken Bamforth publiée en 1951. Ils y analysent les conséquences des échecs de la nationalisation britannique des mines de charbon lors des décennies précédentes. Leur article est intitulé : «Effets Sociaux et Psychologiques de la Méthode de la Longue Taille Employée dans l’Extraction du Charbon : Une Étude sur la Psychologie et les Réactions d’un Groupe d’Ouvriers en Lien avec la Structure Sociale et le Contexte Technologique mit en Oeuvre sur leur Lieu de Travail»

La méthode de «la Longue Taille» était une nouvelle façon d’organiser l’extraction du charbon, permettant d’intégrer les nouvelles technologies de minage (l’arrivée des rails dans les galeries, des machines mécaniques pour creuser…) et de réorganiser les groupes de mineurs et leur hiérarchie.

Dans la méthode précédente, dite «par chambre-magasin», les ouvriers travaillaient par petits groupes autogérés d’environ 2 à 20 personnes. Leurs tâches étaient multiples, le choix des coéquipiers était crucial pour assurer une productivité maximale. Les salaires et les bonus étaient négociés par chaque groupe, qui avait sa propre organisation interne et qui s’assurait que le boulot était fait correctement. Ils étaient autonomes et s’adaptaient aux conditions variables de leur environnement de travail. Cette structure sociale était idéale pour s’adapter aux risques et aux imprévus des mines souterraines

L’arrivée de la mécanisation et de la méthode «longue taille» a amené un changement dans l’organisation sociale. Cette nouvelle méthode préconise de séparer le travail en 3 rotations, chacune ayant ses tâches propres. Les ouvriers se sont alors retrouvés séparés dans le temps et dans l’espace. Ils étaient aussi regroupés par savoir-faire et payés en conséquence. Les groupes sociaux se sont ainsi retrouvés définis par les compétences, et non plus par les affinités personnelles.

De plus, chacune des 3 rotations était isolée des autres. Les problèmes et les erreurs apparus pendant une rotation étaient transmis à la suivante. Le rôle du management a lui aussi changé et est devenu responsable du contrôle direct des ouvriers. La conséquence fut que les ouvriers se sentirent dirigés par leur managers et la productivité devint très faible.

La réforme avait pour but de tirer un maximum d’avantages des nouvelles technologies mais les résultats furent loin des objectifs. Les problèmes avec le management devinrent récurrents. L’absentéisme grimpa en flèche, le turnover prit des proportions jamais vues et les grèves devinrent la norme.

Face à cette baisse de la productivité en dépit de l’arrivée des nouvelles machines, et des dérives malgré de meilleurs salaires et plus d’avantages, les responsables finirent par s'intéresser plus finement à l’organisation des entreprises. existence.

Si on porte de l’attention au contexte social mais aussi technique, un juste milieu peut être trouvé, menant à des performances globales optimales, même si cela implique de perdre de l’efficacité dans les sous-ensembles séparément.

La philosophie d’Eric Trist est une conséquence directe de la théorie des contraintes. Dans un environnement complexe, comme un ensemble de systèmes et de sous-systèmes, améliorer un sous-système seul ne mène pas à une amélioration du système dans son ensemble. Cela a même souvent l’effet inverse, comme on peut le voir dans l’exemple des mines de charbon.

Architecture

Selon le dictionnaire Cambridge, il existe deux définitions pour «Architecture» qui vont nous intéresser, si l’on met de côté la définition générique à propos du design des bâtiments.

  1. "Le design et la structure d’un ordinateur, qui détermine quel équipement peut y être connecté et quel logiciel peut y être exécuté."
  2. "La structure d’une entreprise, qui influe sur les relations entres les parties prenantes et les employés»

Si l’on se place du point de vue de la loi de Conway, on s’aperçoit alors que les 2 définitions sont liées entre elles : la structure de l’entreprise détermine le design de ses logiciels. Cela prouve pourquoi le pattern logiciel contre-productif le plus répandu que j’ai pu rencontrer dans les entreprises est celui du «Monolithe, Grande Boule de Boue». Ces mêmes entreprises avaient une hiérarchie centralisée, figée, avec des structures de communication inefficaces et embourbées dans des processus complexes. A quoi pouvait-on s’attendre d’autre ?

Russel Ackoff a écrit que «la compréhension augmente votre capacité à assimiler des systèmes dans leur globalité. La connaissance augmente votre capacité à concevoir des petits éléments dans leur individualité.» Je vous propose de partir de la connaissance pour arriver au savoir. Nous allons donc commencer par le plus petit élément de votre architecture puis nous éloigner petit à petit (pour changer).

L’élément le plus fin de notre système est notre code. Normalement il devrait ressembler à l’image ci-dessous

Il y a bien sûr plusieurs écoles et méthodes décrivant une bonne architecture de code, la littérature à ce sujet ne manque pas. (oignon, hexagonale, port & connecteurs…). On peut néanmoins dégager un consensus : une bonne architecture est modulaire et découplée.

Notre code ne pourra cependant pas s'exécuter tout seul, ni s’écrire spontanément. Il est toujours destiné à servir une activité et nécessite d’interagir avec d’autres acteurs. Ces mêmes interactions entre personnes et activités, dirigées par un flot très basique, ne sont pas toutes valorisées dans les environnements hiérarchiques, car elles traversent les couches horizontales, de façon orthogonale à celle décrite dans le schéma de l’entreprise.

Pourtant, «la clef pour créer des systèmes efficients et extensifs réside plutôt dans la communication entre ses modules plutôt que dans les détails internes de ceux-ci et leurs comportements individuels.» (Alan Kay)

C’est ici, selon moi, que l’idée des Contextes Bornés et du Mapping de Contexte d’Eric Evans prend tout son sens. L’architecture modulaire doit se cantonner aux limites de son contexte de Communication. Et celui-ci représente un sous-système modulaire de l’entreprise. Autonome dans sa façon d’exercer son activité et de définir son organisation interne mais peu efficace pour interagir avec les autres sous-systèmes. C’est l’aspect le plus critique qui nécessite d’être correctement défini, mais selon mon expérience c’est peu souvent le cas.

Pour gérer un système efficacement, il faut se concentrer sur les interactions entre les parties plutôt que sur le comportement des parties prises séparément.

Mais comment des contextes bornés peuvent interagir ? Techniquement, la solution se compose souvent d’un mélange de communication synchrone et asynchrone (encore une fois un sujet beaucoup traité par la littérature). Mais avant de réfléchir à cela, il faut une architecture avec des contextes bornés. Comment les définir et les séparer ? Il me semble que c’est le point bloquant pour beaucoup d’entreprises.

La clef ici est de considérer le flot de production d’une entreprise et d’analyser comment la valeur est ajoutée au produit final. On peut le concevoir simplement comme une séquence temporelle regroupant les activités nécessaires au design, à la production, et à la livraison d’une valeur ajoutée. Idéalement, la plupart de ces activités devraient bénéficier du support d’un système d’information.

Si ce point de vue holistique des activités de l’entreprise n’est pas présent, quelles sont les probabilités d’avoir des sous-systèmes qui communiquent de façon fluide, et qui harmonisent le flot de valeur ajoutée avec le flot d’information ?

Si l’on considère le développement logiciel d’un point de vue de la valeur ajoutée, plutôt que de simplement assimiler les activités comme des processus, on peut améliorer la création de valeur. Comme nous l’avons vu précédemment, toute la question porte sur l’amélioration du processus dans sa globalité et non pas sur ses sous-parties séparément.

Les activités du flot sont indépendantes mais interconnectées; c’est une caractéristique d’un système complexe. Chaque activité réalise indépendamment différentes tâches, mais fournit des comptes rendus aux autres parties du système. Ces informations sont nécessaires pour passer à la prochaine étape de la chaîne de production.

Par exemple pour une compagnie d’e-commerce de vente de produits physiques en ligne, la chaîne de valeur ajoutée inclut :

  • Acquérir (en physique ou virtuel) les articles à vendre
  • Décrire les caractéristiques physiques (couleur, qualités, images, autres informations utiles pour la vente)
  • Vérifier les quantités en stock
  • Créer et entretenir les mécanismes clients pour accéder au catalogue, choisir un article, payer, livrer les articles

En parallèle, il doit aussi y avoir un département marketing qui s’occupe de la publicité et du service après-vente. Avec les activités mentionnées plus tôt, cela représente la totalité du flot de valeur ajoutée.

Ces processus peuvent avoir lieu en parallèle ou être plus complexes, mais ils doivent pouvoir être traités indépendamment des autres. Ajouté à cela, ils ont aussi des dépendances entre eux : par exemple, le système de gestion des commandes clients doit avoir connaissance de l’état des stocks et doit pouvoir notifier les commandes reçues - ils sont interconnectés.

Pour garder la qualité du système d’information sous contrôle, la partie métier doit correctement séparer et regrouper les activités dans des contextes. Le point crucial consiste à trouver un équilibre entre indépendance et interconnexion. (similaire au problème d’équilibrage couplage-cohésion en programmation orientée objet.)

Mais nos contextes fonctionnent aussi ailleurs que dans le développement logiciel. Selon moi, l’activité elle-même fait partie du contexte, tout comme les employés chargés de s’en occuper. C’est pourquoi la communication entre les employés techniques et métiers doit être fréquente, claire, et ouverte. Et c’est ici que les organisations divisées en silos par compétences échouent lamentablement. Exactement comme la réforme minière !

Pour mieux comprendre ces principes et les stratégies permettant de faire évoluer des équipes dans cette direction, je vous suggère de lire «Topologies d’équipe» par Matthew Skelton et Manuel Pais. Dans leur travail de qualité, ils expliquent qu’il existe plusieurs façons de communiquer entre les équipes (collaboration, x-as-a-service, médiation), servant plusieurs objectifs (alignement sur le flux, activation, sous-domaine compliqué, plate-forme). La taille compte aussi, car il y a une limite à la charge mentale que peut accumuler un individu. Cela implique que plus l’équipe est grande, moins les relations entre ses membres seront fortes.

Je pense que ces considérations sont les plus importantes à prendre en compte lorsque l’on parle de concevoir une architecture. Et pourtant, dans la plupart des environnements, il n’y a pas de stratégie de communication mise en œuvre assurant la collaboration des équipes et expliquant leur lien avec le flot de valeur ajoutée. L’organisation se fait donc au fil de l’eau, de manière chaotique.

Imaginez si à la place nous avions un réseau de petites équipes polyvalentes, autonomes, auto organisées et unies par leur but et leurs valeurs : jusqu’où pourrait-on aller ?

Malheureusement, la réalité est souvent bien différente. Une hiérarchie rigide en charge du contrôle des activités et de s’auto-répliquer, sauvegardée par sa chaîne de commandement. Une pyramide de Ponzi du pouvoir bloquant les idées, l’innovation et le changement.

Quand tout le monde se retrouve avec l’impression d’être un rouage dans la machine, il n’est pas surprenant que le niveau d’implication baisse. C’est ce qui arrive quand les gens se sentent ignorés, peu reconnus, et qu’ils n’ont pas l’impression d’avoir d’impact sur leur environnement actuel et futur. Et plus les personnes sont expertes dans leur domaine, plus celles-ci sont impactées par l’impression que leur savoir-faire est méprisé. J’ai tristement constaté que le moral des personnes les plus compétentes est souvent morose.

Une culture d’entreprise saine est très importante : quand il n’y a pas de joie, il n’y a pas de créativité. Si vous quittez votre maison et que vous réalisez que votre voiture a été volée, serez-vous d’humeur à créer quelque chose d’incroyable ?

La joie, sentir sa propre valeur, être apprécié et aimé par les autres, se sentir utile et capable de produire quelque chose, sont tous des facteurs de grande valeur pour l’âme humaine. - Maria Montessori

C’est pourquoi je crois qu’une bonne architecture doit aussi tenir compte de l’âme des individus : nous avons besoin d’architectures socio-techniques !

Architecture Socio-Technique

Revenons un instant aux mineurs. Ont-ils trouvé un moyen d’améliorer leur situation selon les suggestions d’Eric Trist et Ken Bamforth ? Certaines expériences ont été faites avec une nouvelle méthode appelée "Longue Taille Composée". Composée car elle reprend l’innovation technologique de la méthode "Longue taille" avec la structure sociale de l’ancienne méthode "par chambre-magasin".

La ségrégation entre les postes a été supprimée et un transfert entre rotation appropriée a été adopté. Des groupes de travail autonomes et polyvalents ont été réintroduits, ainsi qu’un système de primes de groupe. La supervision a été rendue aux groupes, déléguée à des dirigeants élus par les ouvriers eux-mêmes.

Le résultat de ces expériences a prouvé qu’Eric Trist avait raison. L’absentéisme a été réduit de moitié, les incidents et les maladies ont fortement diminué, le turnover a presque disparu, les coûts globaux ont été réduits. Et la productivité a augmenté de 25%.

L’équipe de recherche a constaté ce que la croyance conventionnelle avait considéré comme impossible : un cycle conventionnel, semi-mécanisé, avec 3 rotations, réalisé par un ensemble de groupes de travail autonomes.

Il aura fallu repousser les équipes de management hors des puits pour que les mineurs se sentent de nouveau impliqués et s’investissent dans leur travail ! Alors, que pouvons-nous apprendre de cela ? Je crois que le principal problème de l’industrie du développement logiciel est très semblable à celui des mineurs avec l’introduction de la «longue taille». Nous sommes témoins d’un manque de cultures d’entreprise saines. Les hiérarchies et l’autorité tuent lentement l’âme des équipes.

Je suis d’accord avec John Seddon lorsqu’il déclare que «le problème avec les chaînes de commandement est plutôt le ‘contrôle’ que le ‘commandement’."

Si vous faites réellement confiance à quelqu’un, allez vous essayer de le contrôler ? "la confiance est au cœur d’une équipe fonctionnelle et cohésive. Sans elle, le travail d’équipe est presque impossible.» Sans confiance, l’âme d’une équipe est détruite !

C’est pourquoi il est essentiel de laisser l’âme de vos équipes s’épanouir pour s’éloigner du commandement et du contrôle rigides et de la bureaucratie, en donnant le pouvoir de décision, le budget et l’autonomie aux équipes.

Le livre Accelerate montre : "L’approbation par un gestionnaire ou CAC (comité d’approbation des changements) ne fonctionne tout simplement pas pour améliorer la stabilité des systèmes de production. En revanche, cela ralentit certainement les choses. En fait, c’est pire que de n’avoir aucun processus d’approbation des changements.» C’est bien pire parce que ce processus a l’effet psychologique de mépriser la compétence des développeurs, tout en ajoutant du désordre dans le système sans raison pragmatique. Pas étonnant qu'ils finissent par se sentir comme un rouage !

L’efficacité de l’autorité diminue à mesure que le niveau de compétence des employés augmente. Lorsque le niveau des subordonnés est supérieur à celui de leurs patrons, il devient négatif. - Russel Ackoff

Autre chose que nous pouvons apprendre de cette histoire, c’est que la rémunération individuelle, complètement décorrélée de la performance de l’entreprise, n’est pas idéale. Garder le salaire et les audits de performances basés à un niveau individuel favorise la concurrence interne plutôt que la collaboration ainsi que l’individualité. Exactement le contraire d’un but et de valeurs communs.

Si «90 % à 95 % du rendement du travailleur est régi par le système et seulement 10 % à 5 % par l’individu» comme l’affirme Edwards Deming, quel sens y a-t-il à avoir 100 % de la rémunération et des évaluations de performances basées sur l’individu seul ?

Enfin, pour créer un environnement magique où l’âme de nos équipes peut prospérer, nous devons créer les conditions nécessaires au développement et à l’épanouissement de relations solides.

Les gens ne sont pas notre plus grand atout, ce sont les relations entre ces personnes qui comptent le plus. Bob Marshall

D’après mon expérience, l’une des façons les plus efficaces pour créer des relations authentiques est d’apprendre ensemble. Les activités qu'il est possible de promouvoir sont nombreuses : temps et budget d'apprentissage, communauté de pratique, formations poussées de qualité, indemnité pour les conférences, temps d'innovation, organisation de meetups et prise de parole, événements internes à l'entreprise (open space, hackathons, code retreats...).

Si ignorer l’opinion de personnes compétentes a pour effet de mépriser leur connaissance, ces activités ont exactement l’effet contraire ! Elles prouvent que le partage et l’approfondissement des connaissances collectives sont pris très au sérieux et considérés comme une priorité !

Les conséquences sociales d’un tel environnement peuvent être surprenantes : les gens commencent à apprécier le processus de partage de choses immatérielles, comme la connaissance, la compréhension et la conscience. L’environnement est submergé d’une gratitude et d’une générosité authentiques des uns envers les autres, tandis que les niveaux de maîtrise et de créativité ne cessent de croître de jour en jour. C’est alors que l’âme de l’équipe s’épanouit !

La conception de systèmes socio-techniques offre une nouvelle vision de la qualité de la vie professionnelle et de l’humanisme au travail. Elle facilite l’innovation en entreprise en recommandant le retrait des groupes de commandement et en les remplaçant par des hiérarchies plus plates, de la polyvalence et de la prise de décisions en groupe. Elle veut remplacer les contrôles serrés, la bureaucratie et le stress par une organisation et une technologie qui renforcent la liberté humaine, la démocratie et la créativité. - Enid Mumford

Et lorsqu’un système socio-technique a une âme épanouie, la magie opère...

Avez- vous déjà vu des photos de la mine de sel de Wieliczka non loin de Krakovie en Pologne ?

La mine fut ajoutée à la liste des Héritages Historiques du Monde parce qu’elle "montre des témoignages remarquables sur le système socio-technique existant dans l’extraction souterraine de sel de roche."

Un grand nombre de sculptures et d’éléments décoratifs ont été taillés dans la roche de sel par les mineurs, et ont survécu jusqu'à aujourd'hui. Des chapelles souterraines se distinguent particulièrement par leur valeur artistique, leurs ornements et leurs aménagements. Parmi les artefacts, il y a même une reproduction du "dernier souper" de Léonard de Vinci !

À votre avis, qu’est-ce qui a inspiré ces mineurs à entreprendre des projets aussi étonnants et créatifs ? Pensez-vous que c’est la direction qui a donné l’ordre de le faire ?

C’est le tissu social qui a uni les mineurs – la plupart du temps leur foi et leur unité provenant de leur cohésion et de leur vie dans un milieu dangereux. On peut imaginer comment l’impulsion pour créer ces œuvres d’art a fait boule de neige – et certains d’entre eux ont pris l’initiative de surmonter l’angoisse du dur labeur. Comme la mine était un succès et que les mineurs creusaient plus profondément, ils ont eu l’occasion d’expérimenter et d’essayer de nouvelles choses. Chaque nouvelle chambre a donné l’occasion de s’essayer à quelque chose de nouveau. Et le cycle a continué pendant des siècles.

Eric Trist et Ken Bamforth ont décrit comment la mécanisation de la méthode de la Longue Taille a changé (certains pourraient dire détruit) le tissu social dans les mines. Ils ont donné des exemples de la façon dont les ouvriers ont sympathisé dans et en dehors de la mine, de sorte que leurs familles s’entraident en cas de besoin. La réforme, avec l’excuse de la nouvelle technologie, a rompu ces liens et a changé les relations, conduisant à la perte de moral.

Peut-être que la mine de sel de Wieliczka offre une autre perspective sur le tissu social : laisser la liberté pour les membres de s’exprimer et de transcender la difficulté de leur environnement.

Les technologies de l’information ont permis aux entreprises d’accumuler énormément de données factuelles, mais qu’en est-il de l’âme de l’entreprise

Quelle importance les consommateurs devraient-ils accorder à la façon dont les entreprises, les groupes ou les gouvernements traitent leurs membres ? Dans quelle mesure ses employés sont-ils étroitement liés ? Si quelqu’un visitait Wieliczka alors qu’elle était encore ouverte et qu’il s’aventurait au fond des chapelles, que penserait-il ?

"Mon dieu c’est de toute beauté ?" ou "Mon dieu, les ouvriers d'ici ont beaucoup de temps libre !"

Je voudrais proposer ceci – l’âme d’une entreprise est la mesure dans laquelle elle transmet les capacités et la volonté de promouvoir le bien et la sagesse à ses membres et dans ses relations.

L’information, la connaissance et la compréhension nous permettent de bien faire les choses, d’être efficaces, mais la sagesse nous permet de faire les bonnes choses, d’être efficaces. La science cherche les données, l’information, la connaissance et la compréhension : c’est la vérité; l’humanité poursuit la sagesse : ce qui est juste. - Russell Ackoff

Frenz Herzberg a écrit un jour : «Si vous voulez que quelqu’un fasse son travail correctement, donnez-lui un travail correct». Je suis sûr que des mineurs d’une certaine mine seraient d’accord. Pour reformuler :

Si vous voulez que quelqu’un fasse bien son travail, construisez lui une architecture sociale, technique, qui a du sens

À propos de l’auteur

Marco Consolaro est cofondateur et coach socio-technique à l’Alcor Academy. Il est un concepteur de logiciels qui a commencé à coder dans les années 80 et qui n’a jamais cessé d’apprendre, de pratiquer et d’expérimenter. En 2019, Consolaro a publié avec Pedro Santos et Alessandro Di Gioia le livre multi-récompensé "Agile Technical Practices Distilled, un parcours d’apprentissage des pratiques techniques et des principes de conception de logiciels". Dans l’ensemble, il se décrit comme un penseur des systèmes et croit que les approches itératives fondées sur la confiance, la transparence, l’auto-organisation et les boucles de rétroaction rapide sont la meilleure façon d’aller de l’avant pour toute équipe travaillant sur des domaines nécessitant des connaissances pointues.

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