Points clés
- Reconnaître les 5 défis les plus importants des équipes distribuées dont la vôtre.
- Construire "une équipe" et éviter un état d'esprit "nous contre eux".
- Etablir un rythme de communication qui permet de garder l'équipe synchronisée.
- Utiliser des outils pratiques pour travailler avec des cultures différentes.
- Définir des systèmes pour transférer les connaissances.
De nos jours, beaucoup de gens travaillent avec des personnes provenant de différents endroits. Et quand les personnes avec qui vous travaillez ne partagent pas votre bureau, cela implique des défis. J'étudie ces points depuis plus de dix ans maintenant, et dans la plupart des cas, une des 5 situations suivantes apparaît.
Qu'est-ce qu'une équipe distribuée ?
Avant d'arriver aux 5 problèmes (et solutions), définissons d'abord ce qu'est une équipe distribuée [en]. Cette question revient souvent dans les formations que j'anime. De mon point de vue, dès que les gens avec qui vous collaborez (disons "votre équipe") ne sont pas assis dans le même immeuble, vous êtes distribués. Certains expliquent même que c'est le cas si vous n'êtes pas au même étage. Le dessin suivant de Johanna Rothman illustre ces quatre variantes :
Dans cet article, je parle de tous les cas sauf d'une équipe colocalisée (bien que certains challenges existent aussi dans cette situation).
Le top 5 des problèmes...
Voici les principales difficultés rencontrées :
1. Nous pensons "nous" contre "eux"
C'est le problème mortel. Il se cache sous la surface, grandit de jour en jour, et personne ne le sait. Peu importe l'installation (client-fournisseur, intégration), les êtres humains tendent à former des groupes. Nous nous lions d'amitié avec les personnes de notre bureau. C'est le "nous". Et les personnes travaillant loin, ceux avec qui nous ne prenons pas le café, sont un peu bizarre. Nous ne les connaissons pas vraiment parce que nous n'avons pas eu la chance de créer un lien. Ces personnes éloignées deviennent "eux".
Le problème ici est que l'état d'esprit induit une dégradation de la collaboration dans le temps. Quand les choses vont mal, les deux "bords" se blâment mutuellement. Les gens sont frustrés par l'autre côté qui n'agit pas comme attendu.
2. Garder l'équipe dans le noir
Même les équipes ayant une histoire de collaboration font face à des défis sur le transfert de compétences. Dans de nombreux cas, "l'équipe de développement" est loin du product owner (PO)/manager. Elle est loin des utilisateurs du logiciel créé. Parfois, personne n'a même d'affinité avec le produit construit.
La personne clé pour éclairer l'équipe distante est le product owner. Il discute avec les utilisateurs et comprend tout du produit. Et il arrive souvent que ce soit la personne la plus occupée de toute l'entreprise.
J'ai vu une vidéo captivante de Henrik Kniberg où il explique le rôle du PO. A la fin, il recommande des rendez-vous fréquents entre le PO, l'équipe et les parties prenantes :
Le principal challenge pour les équipes distribuées et de transformer cette image en réalité.
3. La culture est un mystère
Quand les personnes collaborant ont des cultures différentes, les choses peuvent empirer. Nous avons tendance à accuser les différences culturelles pour ce qui va mal, les incompréhensions et les délais. Nous ne comprenons pas que les personnes de cultures différentes pensent et ce qui oriente leurs comportements. Et si nous ne comprenons pas les personnes avec lesquelles nous performons, il est compliqué de collaborer et d'apporter des résultats.
4. Nous arrêtons de communiquer
Quand une équipe est colocalisée, nous parlons. Nous mangeons ensemble, buvons le café ensemble, tenons des rendez-vous réguliers ou pouvons même utiliser un outil de chat pour parler. Mais quand l'équipe est distribuée, ceci ne se passe pas ainsi. Même le chat est oublié. Le principal sujet est qu'une équipe distribuée a besoin de PLUS de communication, pas MOINS. La seule manière de dépasser les challenges 1, 2 et 3 est de s'aligner et de communiquer. Donc, nous avons besoin de trouver des manières d'accroître le temps de parole et de chercher des cérémonies et outils pour faciliter consciemment la communication.
5. La boîte noire
Les membres d'une équipe distribuée sont loin et nous ne voyons pas ce qu'ils font ou même qui travaille sur nos projets. Et dans un sens, nous ne voulons pas savoir. L'équipe distribuée est une "boîte noire". Nous envoyons des exigences et attendons un résultat.
Quand une équipe est colocalisée, nous savons tous qui travaille sur nos projets et comment se déroule le travail. Nous réfléchissons souvent sur le processus, sur la manière de travailler, sur les pratiques à employer. Mais nous supposons que la partie distante de l'équipe le devine par elle-même.
Ce qu'il faut ici est une approche plus agile et ouverte. Les membres d'une équipe distribuée ont besoin de se percevoir comme "une équipe". Nous devons comprendre la manière dont chaque personne contribue au projet, au processus, peu importe où elle se trouve. La boîte noire doit être ouverte.
...et comment les gérer
Il est facile de poser ces cinq problèmes. Définir une solution pour chacun d'entre eux est un peu plus compliqué. Chaque situation, entreprise et contexte est différent. J'ai parfois des gens venant à mes formations à la recherche d'un "remède". La seule chose que je peux prescrire est un ensemble d'idées, dont certaines pourraient correspondre à votre situation. Il s'agit d'appuyer sur un bouton ici, de tourner un peu une vis là, et de s'ajuster peu à peu. Agile, itératif.
J'ai défini un canevas il y a quelques années, qui s'appuie sur 8 briques pour des équipes distribuées gagnantes. Chacune des 8 briques implique des pratiques et des techniques, qui ensemble permettent de résoudre les problèmes ci-desssus.
Pour contrebalancer les 5 problèmes listés précédemment, voici quelques éléments appris :
1. Culture & esprit d'équipe
Les problèmes 1 et 2 ne concernent que les comportements, attitudes et croyances. Pour les changer, il faut consciemment travailler sur l'esprit d'équipe. Il faut cibler les différences culturelles et s'organiser autour d'elles. Voici quelques techniques qui ont bien marché pour moi :
Culture canvas
J'ai dessiné le culture canvas comme un outil pour gérer les différences culturelles. Il ressemble à ceci (en s'inspirant d'une empathy map).
En bas, vous avez la partie "perspectives". C'est un axe pour s'intéresser à la collaboration interculturelle. Les perspectives sont des éléments qui me paraissent cruciaux dans toutes les équipes. Au milieu, vous avez "personne de culture X" (par exemple "personne habitant en Hollande"). Vous avez alors les "pains & gains" perçus en collaborant avec la personne de la culture "Y" (ici Roumain). J'utilise des post-its pour indiquer les avantages (gains) à la collaboration avec les membres de l'équipe roumaine (ici, il y a beaucoup de gains à la créativité apportée au projet). J'indique aussi ce qui est pénible (ici je suis ennuyé par le peu de proactivité à partager les idées pour améliorer le produit).
Je vais aussi ajouter ce que j'entends de mes collègues (c'est-à-dire "il faut toujours que nous gérions tout"), ce que je pense et sens (j'adore travailler avec des Roumains), et ce que je crois que mon équipe dit et fait (c'est-à-dire que je considère mes co-équipiers comme très ouverts sur l'équilibre travail-perso). Puis, l'équipe de Roumanie fera de même vis-à-vis de l'équipe hollandaise.
A la fin, nous avons un tour d'horizon des difficultés culturelles que nous devons adresser des deux côtés. Dès lors, en tant qu'équipe, nous pouvons regrouper les post-its et construire un top 3 à 5. Une fois que nous connaissons les difficultés, nous pouvons définir les manières de nous organiser en tant qu'équipe.
Il y a toujours des points communs entre culture, mais pour moi "l'esprit d'équipe" est un sujet à part. L'important est notre manière d'interagir en tant qu'équipe, ce que nous valorisons, ce qui nous unit, ce qui nous lie.
Dans le management 3.0, il y a un outil nommé "moving motivators". Ceci aide une équipe à identifier les valeurs qu'elle trouve importantes. Il y a un paquet de cartes dont l'équipe peut discuter et ranger par ordre d'importance. Le résultat est une compréhension claire des comportements que nous valorisons en tant qu'équipe.
Une autre cérémonie importante souvent ignorée est la rétrospective. Dans celle-ci, l'équipe regarde les x semaines de travail derrière elle depuis un hélicoptère. Nous identifions les difficultés rencontrées, les choses que nous pourrions améliorer dans nos processus de collaboration, celles dans le projet, etc. Il y a plusieurs manières de réaliser une rétrospective. Pour obtenir une vision approfondie, allez creuser Ben Linders.
Si vous cherchez un outil pour rationaliser vos rétrospectives, essayez Retrium. Avec cet outil, les membres de l'équipe peuvent poser leurs idées de manière anonyme dans un logiciel. Durant la session, l'équipe les passe toutes en revue et positionne des actions à mettre en oeuvre durant la prochaine itération. La puissance de l'outil est de stimuler le partage via l'anonymisation des idées (ce qui aide à dépasser le faussé culturel) et aide à mettre les actions dans un cadre pour les réaliser.
Une autre aire d'investigation en tant qu'équipe sont les recherches de google. Evaluez la maturité de votre équipe sur les 5 axes d'une équipe efficace:
2. Transfert de connaissances
Le but est de garantir que tous les membres de l'équipe ont un accès similaire à l'information structurante du produit. Ceci revient à du "temps de parole" avec le PO, du feedback utilisateur et des informations détaillées sur le produit (feuilles de route, documentation, vision). Evidemment, un wiki en ligne, s'il est bien organisé, fait l'affaire. Pour enrichir un tel wiki, il est possible d'enregistrer des vidéos du produit. Le PO pourrait par exemple enregistrer des échanges avec les utilisateurs (et ceci peut se faire en demandant à un collègue de tenir son téléphone et d'enregistrer). Il peut aussi être utile d'organiser les prises de parole dans des conférences avec des utilisateurs du logiciel. Invitez juste quelques utilisateurs durant la séance de planning et demandez à l'équipe de préparer des questions pour eux. Les utilisateurs peuvent aussi partager leurs expériences sur le logiciel.
Ce ne sont que des idées simples, mais je pense que le truc est de continuer à les utiliser. Le problème majeur est que les équipes colocalisées ont bien plus d'interactions avec les utilisateurs et les PO. Avec une équipe distribuée, nous devons planifier la manière d'obtenir cette information. Plus de réunions planifiées, un engagement plus important du PO dans ces réunions, et une pensée créative pour obtenir plus de feedbacks utilisateur et des feuilles de route produit.
3. Rythme de communication
Comment résoudre les "problèmes de communication" ? En créant un rythme de communication bien huilé. Rencontrez-vous souvent et bien. Les gens n'aiment pas les "réunions". Même quand nous les apprécions, elles deviennent ennuyeuses, exercices contraints avec le temps. Mais avec les équipes distribuées, elles sont la force vive de l'alignement.
Quelques idées pour mettre de l'huile dans les rouages. Si vous voulez minimiser les réunions, supprimez-les toutes sauf 2 : le daily et les rétrospectives. Le daily sert à créer l'alignement et est une chance pour enlever les impédiments. En tant qu'équipe, nous devons avancer vers l'objectif et le daily aide à rester sur la bonne voie. La rétrospective est notre plateforme pour améliorer la manière dont nous travaillons continuellement. C'est une opportunité pour exprimer nos doutes sur le projet, l'équipe, notre manière de collaborer. Et cela aide à s'améliorer étape par étape, devenant une équipe plus forte avec le temps.
Pour être certain que ces réunions se passent bien, il est pratique de désigner un "facilitateur de la réunion" : celui qui recentre les discussions et évite les longs monologues. C'est également une bonne idée de faire tourner ce rôle, pour que chaque membre de l'équipe ait les mêmes opportunités d'orienter les discussions et d'exprimer ses opinions. Le facilitateur peut aussi vérifier le suivi de l'ordre du jour (ou peut définir le sien, envoyé avant aux participants).
Bien qu'il y en ait encore bien plus à faire pour limiter les cinq problèmes, ces trois domaines sont un bon point de départ. Ils permettent de traiter les problèmes depuis la base. En créant un état d'esprit d'équipe positif et en ciblant les différences culturelles, nous évitons le piège du "nous contre eux" et nous créons une conscience sur le comportement de chaque membre de l'équipe d'après son contexte. Nous définissons aussi les actions à mettre en place autour de ces différences et bénéficions des similitudes. La mise en oeuvre d'une structure ou d'un outil pour partager la connaissance autour du produit ou du projet en cours aide les membres de l'équipe à comprendre ce qu'ils construisent. Un rythme de communication crée l'alignement et évite les messages antagonistes. Et les rétrospectives permettent d'ouvrir la boîte noire.
A propos de l'Auteur
Hugo Messer construit et gère des équipes à travers le monde depuis plus de dix ans. Sa passion est de permettre aux personnes de différentes cultures, lieux géographiques et fuseaux horaires de coopérer. Que ce soit en offshoring ou en nearshoring, il sait ce qu'il faut pour faire marcher une collaboration globale. Il est propriétaire de Bridge Global, une usine de logiciels global et ekipa.co, la plateforme éducative pour les équipes distribuées. Hugo a écrit 6 livres sur la manière de gérer des équipes distantes.