Le Lean IT Summit 2015 se tiendra les 8 et 9 octobre à Paris. Cet évènement organisé par l'Institut Lean France propose un état de l'art et des retours d'expériences d'Europe et d'ailleurs. InfoQ couvre l'évènement avec des nouvelles, des Questions/Réponses et des articles.
InfoQ a échangé avec Marie-Pia Ignace, organisatrice, sur le contenu de l'évènement, l'utilisation du Lean en entreprise et son essor dans le digital, les liens avec la communauté Agile et le reste des communautés Lean.
InfoQ : Le Lean IT Summit est organisé par l'Institut Français du Lean. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'est cet institut ?
Marie-Ignace Pia : L'Institut Lean France existe depuis 2007 et a pour vocation de diffuser la pratique du vrai Lean management en France au travers - entre autres - l'organisation de conférences pour favoriser les échanges entre les praticiens. En 2011, les pionniers du Lean dans l'informatique ont créé le Lean IT Summit pour expliquer tous les bénéfices qu'une DSI peut tirer de la pratique Lean dans ses différents services : production, projets, développement...
C'est ainsi qu'est né ce qui est devenu le rendez-vous international de référence de la communauté Lean IT. Depuis 2011, nous avons accueilli des intervenants d'entreprises de référence de tous les secteurs d'activité :
Des entreprises de la "nouvelle économie" comme Google, Amazon Web Services, Spotify, HelloMerci, Theodo ou BlaBlaCar.
Des éditeurs de logiciels et des sociétés de service, des DSI qui viennent témoigner de leurs pratiques Lean, Agile et Lean Startup.
Des experts du Lean et du développement logiciel comme Daniel Jones, Mary Poppendieck, Jeff Sutherland, Jeff Gothelf (LeanUX), Hakan Förss, Mike Orzen, Steve Bell Régis Medina, et cette année Kent Beck.
InfoQ : C'est la 5ème édition du Lean IT Summit. Auriez-vous quelques chiffres sur l'évènement du mois d'octobre et sur les précédents ?
MPI : Cette année, comme tous les ans, nous mettrons à l'honneur une vingtaine de speakers de toute l'Europe et au delà. Nous constatons un intérêt croissant chaque année de la part de média tels que le vôtre. Côté programme, nous souhaitons répondre aux besoins de notre public (le premier principe du Lean). L'année dernière, les participants nous ont dit qu'ils voulaient plus de temps pour échanger entre eux, nous avons donc ajouté au programme des tables rondes thématiques. Le public du Lean IT Summit est composé avant tout de gens "curieux". Les participants, qu'ils soient dirigeants, équipes Lean ou équipes de développeurs viennent pour apprendre, partager leur expérience, échanger avec leurs pairs et rencontrer des experts.
Nous attendons entre 100 et 150 participants, de toute l'Europe, cette année comme les années précédentes.
InfoQ : Le programme disponible vient juste d'être finalisé. Pourriez-vous en préciser les aspects principaux ?
MPI : Le programme est maintenant complet. L'évènement cette année est la participation exceptionnelle de Kent Beck, qui nous fait le plaisir de présenter un bilan de 20 ans d'Extreme Programming en keynote vendredi 9 octobre, mais aussi d'animer une masterclass d'une journée pour les développeurs le 7 octobre.
Et comme le thème de transformation digitale est très à la mode, Régis Medina fera le lien indispensable entre la pratique Lean IT et la transformation digitale.
Les autres interventions cette année peuvent être rassemblées autour de 3 thèmes principaux :
- L'Obeya, l'outil Lean de pilotage de projet au travers du témoignage de Malika Mir, la DSI du laboratoire pharmaceutique IPSEN et celui de Isabelle Decobecq et Nicolas Volck d'AG2R qui nous feront visiter une véritable Obeya de gestion de projet.
- Les principes Lean Startup au service de l'innovation rapide dans les grands groupes : deux illustrations avec Susana Jurado de Telefonica et Yves Caseau d'AXA, et l'intervention de Pierre Pezziardi sur l'incubateur d'Etat.
- La transformation de la DSI pour être au service de l'entreprise toute entière chez Toyota et Faurecia, deux poids lourds de l'industrie automobile, mais aussi avec les exemples de la banque Fortis où l'on verra comment concrètement la DSI est au service des agences bancaires, ou avec la DSI de la banque italienne BNL où l'on fait du Lean IT depuis 6 ans.
Nous aurons aussi le témoignage de Frédéric Charles de Suez Environnement. Celui d'Arnaud Cailleau sur le Lean IT qui permet aux équipes de test d'obtenir des résultats extraordinaires. Une étude de cas montrera la manière de réussir le déploiement d'un ERP avec l'exemple de l'entreprise danoise Solar. Les responsables techniques de BlaBlaCar viendront quant à eux nous expliquer comment ils gèrent la croissance exponentielle de leur équipe.
InfoQ : La fréquence d'utilisation du terme "Lean" augmente fortement depuis quelques années. Pourriez-vous nous rappeler brièvement ce qu'est le Lean-IT ?
MPI : Il y a plusieurs façons de parler du Lean, disons ici qu'il y a une logique en trois points dans les entreprises Lean : 1. Elles se posent la question de leur avenir en matière de "Gap" de business - où voudraient-elles être dans trois ans ? Par exemple, pour un DSI, être un partenaire fiable des Métiers (un peu banal mais proche de la réalité). 2. Elles traduisent ce Gap de business en matière de Gap de performance. Par exemple diviser par 2 le taux d'indisponibilité, augmenter de 30 % la satisfaction des utilisateurs, multiplier par 2 les fréquences de livraisons. 3. On arrive ici au point le plus spécifique au Lean : elles interprètent ces écarts comme des écarts de savoir-faire (et non de technologies ou de process). On va alors construire des systèmes de management visuel qui vont d'abord favoriser la collaboration, puis créer un désir commun d'affronter, à la racine, les difficultés. Petit à petit, l'expertise de chacun se développe. Voir par exemple les témoignages de Nike ou Toyota sur l'obeya, de BNP sur le flux tiré, etc...
InfoQ : Le Lean est un ensemble de valeurs et de pratiques cohérentes. Quelles sont celles mises davantage en avant cette année ?
MPI : Cette année, nous parlerons beaucoup de collaboration : quels bénéfices y a-t-il à ne se parler qu'à travers des workflows, des échanges d'emails sans finesse, des listes infinies de lignes de planning ? La communication, c'est aussi voir ensemble et réfléchir ensemble, ce que les environnements visuels du Lean favorisent.
Nous parlerons aussi valeur pour l'entreprise et le client : comment la définir et la diffuser dans les équipes IT ?
InfoQ : Le sujet de l'année est "Lean : un choix évident pour la transformation digitale". En quoi le Lean est-il plus évident que d'autres approches ?
MPI : L'agilité adresse le sujet de la fréquence de livraison, mais c'est loin d'être l'alpha et l'oméga du digital. Commençons par le client : le monde digital propose des interactions nouvelles et radicalement simplifiées. Le Lean propose d'explorer ces nouveaux usages par l'expérimentation (lean start up) ou l'observation (genchi genbutsu).
Le monde digital demande une disponibilité totale des systèmes : l'un des deux piliers du Lean est le jidoka, la construction de la qualité à chaque étape de la construction du produit. Cela marche dans l'industrie et commence à se décliner dans les SI, avec des systèmes de gestion de l'obsolescence subtils par exemple.
Enfin, le Lean fait réfléchir à la notion de flux de production et, quand on regarde les services produits par une DSI, une bonne mise en flux permettrait de livrer bien plus vite (20 fois) mille et un services de base, du poste de travail à l'accès à une base de données ou la mise en production d'une évolution.
En bref, il n y a pas que le développement dans le monde de l'informatique.
InfoQ : Depuis 2013, vous invitez des personnalités du monde Agile, avec Kent Beck pour 2015. Qu'est-ce qu'une personne comme Kent Beck peut apprendre à la Communauté Lean ?
MPI : La communauté agile est brillante, mobile, toujours dans l'expérimentation. Elle a tout de suite identifié le Lean comme une opportunité nouvelle, avec des personnes en France comme Régis Médina et Antoine Contal, qu'elle explore avec curiosité. C'est ainsi que le premier livre sur Lean en informatique était écrit par une experte de l'agile, Mary Poppendieck. Collaborer avec la communauté agile, c'est accélérer, au bénéfice de tous, l'émergence de plus d'expertise et de performance dans le développement logiciel.
InfoQ : La France finit par accueillir plusieurs conférences de qualité sur le Lean. Comment analysez-vous ce développement du Lean ?
MPI : Il y a deux aspects dans la réponse. Le Lean est la seule alternative crédible, aujourd'hui, au taylorisme. Nous sommes au 21ème siècle, les gens sont éduqués et ouverts sur le monde, il n'est plus question de les asservir à une machine. Le Lean est un système qui fonctionne sur l'intelligence, l'exploration et la création de savoir pour obtenir de nouveaux gains de productivité.
Et la France a une longue tradition du Lean grâce à la présence de Toyota, qui a investi sur la formation de ses fournisseurs comme Valeo ou Faurecia. Il y a donc des experts comme Michael Ballé et des "patrons Lean" comme Pierre Vareille, qui n'hésitent pas à partager leur expertise.
InfoQ : Le Lean IT Summit se déroule un mois avant le Lean Kanban France. Quels sont les liens entre cet évènement et les membres des différentes communautés ?
MPI : Difficile à dire. Certains speakers interviennent dans plusieurs communautés. D'autres sont exclusifs. Nous échangeons beaucoup avec la communauté agile, nous disposons de liens avec des praticiens du Lean startup, mais le kanban, contrairement à ce qu'on imagine, intéresse la communauté Lean seulement dans des cas très spécifiques.
InfoQ : Vous avez également prévu des Masterclasses la veille de l'évènement. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'elles sont et ce que les participants peuvent en attendre ?
MPI : Tout d'abord, Kent Beck animera avec Cynthia Andres - sa compagne, psychologue de métier - une masterclass pour les développeurs : un atelier qui alternera activités artistiques et programmation pour les aider à mieux gérer les tensions qu'ils rencontrent dans l'exercice quotidien de leur métier.
Catherine Chabiron, experte de l'Institut Lean France et ancienne directrice de la gouvernance IT chez Faurecia expliquera aux informaticiens qui travaillent dans des grandes entreprises pourquoi leur service doit tôt ou tard s'aligner sur la pratique Lean du reste de l'entreprise, et comment ils peuvent contribuer à la stratégie Lean du groupe pour mieux servir les clients.
Sandrine Olivencia animera une masterclass de découverte de l'Obeya, l'outil Lean de management visuel de projet qui permet de livrer les projets IT à temps, dans le respect des budgets et des demandes clients.
Vous trouverez tout le détail sur les masterclasses sur le site du summit.
InfoQ : Le nombre de ressources en langue anglaise sur le Lean IT sont nombreuses. Que conseilleriez-vous à nos lecteurs francophones qui voudraient approfondir leur compréhension du lean IT ?
MPI : Côté lecture, je conseillerais principalement 2 blogs : celui d'Yves Caseau et celui de Cecil Dijoux.
Une équipe de praticiens expérimentés a publié le Petit Guide de Management Lean à l'usage des équipes agiles qui est gratuit.
Avec Antoine Contal, Christian Ignace et Régis Medina, nous avons écrit le tout premier livre en français consacré au Lean IT, fruit de notre expérience sur le terrain : La Pratique du lean management dans l'IT paru chez Pearson.
Enfin, le nouveau site web de l'Institut Lean France et la playlist YouTube consacrée au Lean IT permettent de retrouver de nombreux témoignages de Lean dans l'IT.