Suite au Lean IT Summit 2015 qui s'est tenu en octobre dernier, InfoQ FR a échangé avec Isabelle Decobecq et Nicolas Volck sur le déploiement du Lean-IT chez AG2R LA MONDIALE, groupe de référence en assurance de la personne en France, ainsi que les premiers pas autour d'Obeya, les challenges et les éléments appris sur le chemin.
InfoQ FR : Pourriez-vous vous présenter ?
Isabelle Decobecq : Je suis chef de projet chez AG2R LA MONDIALE. J’ai travaillé sur toutes les phases d’un projet et j’ai eu l’opportunité de gérer une équipe homologation pendant 4 ans. Depuis 1 an, je mène une expérimentation Lean sur deux projets en parallèle.
Nicolas Volck : Je suis directeur de projets et responsable Lean chez AG2R LA MONDIALE. J’ai d’abord mené, puis accompagné des projets d’amélioration, et j’ai écrit un ouvrage sur le potentiel et les dérives du Lean Six Sigma en Europe (Déployer et exploiter Lean Six Sigma). Je suis actuellement en train de constituer une équipe Lean pour répondre aux nouveaux défis du Groupe, notamment dans le cadre du développement de l’agilité et de la transformation digitale.
InfoQ FR : Comment avez-vous découvert le lean-IT ?
ID : Il m’a été proposé de mener une phase de cadrage de projet informatique en méthode lean, afin de réduire les délais de cadrage de 50%. Enthousiasmée par l’approche obeya, nous avons souhaité, avec l’équipe projet, poursuivre l’expérimentation pendant la phase de déploiement.
NV : Le premier projet Lean IT que j’ai mené avait pour objectif de réduire les délais de gestion des incidents informatiques. Par ailleurs, j’ai participé aux premiers Lean IT Summit pour échanger sur le Lean IT et mieux connaître les pratiques des autres entreprises.
InfoQ FR : Vous avez exposé durant le Lean-IT Summit la manière dont vous avez déployé de l’obeya. Pourriez-vous revenir sur le contexte de ce déploiement ?
ID : L’objectif initial de l’expérimentation avec l’obeya était de réduire la durée de la phase de cadrage des projets informatiques.
NV : Une fois les apports de l’obeya sur la phase de cadrage validés, la demande de l’équipe du projet pilote et des sponsors a été de poursuivre l’expérimentation sur la phase d’implémentation.
InfoQ FR : Quels ont été les apports d’Obeya pour les équipes et le projet ?
NV : Le travail en équipe :
- Améliorer la collaboration entre les équipes métier, MOA, MOE et les partenaires externes
- Élaborer une feuille de route claire : chacun sait ce qu’il a à faire pour contribuer aux objectifs du projet
- Favoriser l’entraide au sein de l’équipe projet
- Disposer d’une salle dédiée au pilotage et à l’animation du projet
ID : Ensuite l'efficacité :
- Mettre les problèmes en évidence et les traiter plus vite
- Renforcer la réactivité de chacun
- Impulser un rythme d’animation à intervalle court
NV : Et la mise en place d’un flux tiré :
- Découper en petits lots pour une meilleure maitrise de la production
- Permettre de se focaliser sur des problèmes précis, au fur et à mesure, et de développer les compétences de chacun sur des sujets d’expertise métier et sur le travail en équipe inter-silos
InfoQ FR : Quelles ont été les premières réussites et difficultés, et comment les avez-vous dépassées ?
ID : Diminuer les durées de certaines étapes du plan de production lors de la construction collective du kanban.
NV : Définir des critères de qualité précis en travaillant avec chacun sur les livrables : clarifier ce qui est essentiel de ce qui est superflu, où s’arrête un livrable, où commence le suivant. Concrètement, cela se traduit par les questions suivantes aux différents contributeurs :
- De quoi avez-vous besoin pour avancer / terminer ce livrable ?
- Est-ce que ces éléments sont suffisants ?
- Pouvez-vous nous montrer un exemple de ce dont vous avez besoin ?
InfoQ FR : Où en êtes-vous aujourd'hui du déploiement du lean et de l’obeya dans votre entreprise et quels sont les challenges qu’il vous reste à relever ?
NV : Nous sommes encore en phase d’expérimentation pour l’obeya pour la phase d’implémentation, dont le projet pilote n’est pas encore terminé. Le challenge à relever est donc que la phase d’expérimentation soit validée par tous les acteurs, et que le Lean devienne une approche incontournable pour réussir les projets éligibles et développer les compétences des chefs de projets et des équipes.
ID : Nous sommes en train de déployer le Lean Management dans des Back Offices pour réduire les délais des prestations et améliorer la satisfaction de nos clients. Le challenge est de réussir ce déploiement que nous venons de démarrer dans une nouvelle business unit, et notamment d’accompagner l’ensemble de la chaîne managériale jusqu’aux directeurs, afin de pérenniser les résultats.
InfoQ FR : Quels conseils donneriez-vous pour initier une telle démarche ?
ID :
- Respecter les personnes. Pour commencer, ne pas oublier le premier pilier du lean, à savoir le respect des personnes, sinon l’approche peut être rapidement détournée de son état d’esprit d’origine.
- Clarifier le challenge. Clarifier dès le départ le challenge avec le sponsor, en répondant à la question : « que voulons-nous réussir ?» (en termes de satisfaction client, de qualité, de délais, …), ce qui permet de donner du sens à la démarche et d’aligner les équipes sur un objectif clair et partagé.
- Apprendre à voir. Mettre en place très tôt un management visuel qui permet de répondre, si possible tous les jours, à la question « sommes-nous en train de réussir (notre journée, notre semaine, …) ? », avec une animation d’équipe qui permet de réagir rapidement (stand up meeting) et de résoudre les bons problèmes.
- Aller sur le terrain. Ne pas se contenter de rester dans l’obeya uniquement pour « piloter » les projets : aller régulièrement sur le terrain pour comprendre les faits et la situation, voir comment la demande du client est prise en compte, quels sont les obstacles qui empêchent les équipes de réussir, etc.
NV :
- Apprendre à apprendre. Le Lean est avant tout une démarche d’apprentissage (Lean = leaRn) et de développement des compétences : quelle que soit l’expérience des personnes qui souhaitent s’y engager et réussir, il faut être prêt à remettre en cause certaines pratiques et à changer ses habitudes. Une des questions clés du Lean, qui ne cessera de guider votre pratique en tant qu’individu et en tant qu’organisation, est : « quelle est la prochaine chose que nous devons apprendre ? ».
InfoQ FR : Merci à vous deux pour ces réponses.