La Qcon London 2016 s'est déroulée du 7 au 11 mars, évènement qui fait partie du cycle de conférences Qcon organisées par InfoQ partout dans le monde. L'ensemble des présentations seront mises en ligne au fur et à mesure.
L'équipe d'InfoQ FR était sur place. Cet article présente les éléments du troisième jour (9 mars) pour la track Modern Agile.
Cette track dresse le portrait de l'agile en 2015, en partant du combat ordinaire des équipes de dév, en passant par la difficulté à apprendre et en finissant avec les premiers retours sur la mise à très grande échelle de l'agilité avec des conseils pour le faire.
Hunting Unicorns: the Quest for Modern Agile
La première session est une intervention de Vikki Read et Alex Wilson expliquant l'organisation de Unruly. Elle résonne assez fortement avec la présentation de Rachel Davies, les 10 ans de l'entreprise et la manière de passer de 3 à 200 personnes avec un ADN XP et une entreprise passant à une présence dans trois pays avec plusieurs fuseaux horaires.
Vikki et Alex rappellent que les communautés de développeurs souffrent parfois d'une réaction épidermique à la mention du mot "Agile", lorsque la démarche provient du manager. Il sera ici question de la manière de devenir le héros de son histoire agile. Le contexte historique d'Unruly est un fonctionnent en XP, avec une attention sur les pratiques et surtout sur les valeurs. Avec leurs croissances rapides, les membres finissaient à se désengager, avec des difficultés à trouver des développeurs XP, ce qui correspond également à l'histoire racontée par l'équipe cucumber. Le choix stratégique de l'entreprise est par contre de concentrer l'ensemble des développeurs sur le pôle de Londres, avec un support client en 24/24. Cette proximité importante entre les développeurs, les opérations, les ventes, etc. permet une forte collaboration.
Vikki et Alex racontent le chemin ayant mené les équipes d'une gestion compliquée de certains aspects au fonctionnement actuel du développement d'Unruly. Ils posent une question simple pour expliquer leur cheminement : que feriez-vous si vous deviez affronter un dragon alors que vous êtes sur un pont ? Pour commencer, leur réponse est : la première fois, sautez dans l'eau. Ceci se traduit par du XP, de la recherche sur les User Stories et une idée simple : un minimum d'effort pour beaucoup de feedbacks.
La seconde partie de leur voyage est ce qu'ils appellent "apprentissage", et qu'ils continuent à pratiquer avec de l'investissement (20%) en temps dans des projets personnels, le partage de connaissances aussi bien en présentant qu'en apprenant ensemble.
La dernière partie consiste à aller se battre contre le dragon, avec un mot d'ordre : "release early, release often", le monitoring en continu, et l'orientation de l'équipe vers la valeur (business). La vision d'aujourd'hui s'oriente vers les pratiques suivantes : les ateliers d'affinement des stories, les coding dojo et le suivi de la valeur.
Pour faire simple, l'Agile Moderne chez Unruly se traduit par : des petites fonctionnalités, livrées vite et souvent, l'apprentissage et la croissance en tant qu'équipe, ce qui permet de dire que l'équipe reste dans une philosophie XP, en ayant poussé les lacunes de la méthode sur la partie documentation et décliné les aspects de collaboration au maximum.
#LearningisHorrible and other Harsh Realities
Jeffrey Frederick revient sur notre capacité à apprendre, à se transformer, ce qui est à la fois simple et difficile et nécessite de la pratique. L'apprentissage implique de se tromper : "le moment où vous sentez que vous vous trompez, ce sentiment écrasant est le moment où vous apprenez" dit-il.
Jeffrey vient coupler le "Thinking, fast and slow" de D. Kahnman d'un côté, la pensée d'Argyris et l'échelle d'inférence de Peter Senge (dans la cinquième discipline) pour arriver à une réflexion simple : il faut comprendre ce que nous avons dans notre propre tête, et apprendre à vérifier les différentes étapes de notre pensée. Il propose, en se basant sur un article de Roger Schwartz, Eight Behaviors for smarter teams de rentrer dans une démarche où l'enjeu n'est pas de gagner mais d'avoir raison collectivement, et de "discuter les sujets indiscutables".
Jeffrey propose des séances de coaching dans les équipes dont il est responsable, avec plusieurs étapes : des cas typiques, des cas réels, des cas répétés. C'est le chemin vers "l'Agilité émotionnelle" avec le modèle suivant :
- Reconnaissez vos schémas de pensée
- Nommez vos pensées et émotions
- Acceptez les ; et
- Agissez sur vos valeurs
The Perfectly Spherical Chicken
Tony Grout et Chris Matts reviennent sur le chemin pour déployer l'agilité à l'échelle d'une grande banque. Ils généralisent la question de la mise à l'échelle de la manière suivante :
- Quelle est la définition de l'agile dans l'entreprise avant la mise à l'échelle ?
- Comment engager les managers et les équipes dans ce processus ?
- A qui faire confiance dans ce déploiement à l'échelle ?
- Et surtout comment gérer le problème principal : les files d'attentes cachées partout dans l'entreprise.
Tony et Chris proposent finalement de retourner à une gestion de capacité assez proche de celle proposée par la Théorie des Contraintes avec de simples fichiers excel afin que :
- Les équipes auto-évaluent leur capacité à traiter leurs différentes activités par rapport à leurs attentes (principe de la liquidité des compétences)
- La direction dispose d'une vision sur la disponibilité des ressources clés au niveau de l'entreprise (20% des équipes travaillent sur l'ensemble des projets stratégiques)
Leur conclusion est assez simple : pour l'agilité au niveau de l'entreprise, le challenge est la convergence des motivations individuelles.
Culture Eats Principles for Breakfast
Jonathan Smart et Ian Dugmore expliquent le déploiement de l'agilité à l'échelle de la Barclays, avec une masse dépassant les 10 000 personnes. Ils reviennent - avec beaucoup d'humour - sur l'historique du management moderne : tout vient de Taylor et du "management scientifique". Alors que cette méthode est déployée à l'origine sur des travailleurs illetrés pour du travail à la chaîne, elle sert toujours de modèle aux managers s'occupant de personnes hautement qualifiées. Le fonctionnement n'étant pas optimal, et le niveau de remise en cause du modèle étant faible, les réponses des trente dernières années consistent à ajouter des couches de contrôles et de standardisation (CMMI, ITIL, du PMO, etc).
Leur credo sur la transformation agile au sein de l'entreprise est simple :
La culture est énorme
Jonathan et Ian proposent une démarche "Aiki" - comme dans aikido - pour accompagner la transformation, en utilisant l'énergie de la culture pour orienter le changement de culture. Pour cela, la démarche passe par trois phases :
- Plier plus que casser. L'idée est de reconnaître l'importance de l'inertie organisationnelle et l'intelligence contextuelle autour de deux messages clés :
- Avant de déployer l'agilité à l'échelle, réduisez l'échelle du travail.
- "One size does not fit all", c'est à dire qu'il y a peu de réponses uniques à toutes les questions. C'est la raison essentielle de leur choix de DaD comme framework pour la mise à l'échelle de l'agile au niveau de l'entreprise.
- Accompagner l'attaquant. Le premier point est l'accompagnement du business (avec du coaching sur la couche responsables de l'entreprise) et des responsables (avec des objectifs à choisir avec attention), ainsi que des guides pour les équipes.
- Utiliser votre force interne. Cet aspect touche la formation et le coaching à l'équipe, avec dimension impressionnante pour l'entreprise : 1600 responsables d'équipes formés.
Les résultats sont impressionnants avec, après un an de projet, 43% des équipes passés en mode agile (+40%), et une consistance de résultats positifs pour les équipes agiles à forte maturité.
Techniques for a Successful Transformation
La dernière conférence est une suite de trucs et astuces de Steve McDonald et Mark Landeryou de la société Sage sur la manière de rester à un rythme Agile. Le point de départ est la livraison d'un logiciel avec un cycle de vie de plus d'un an, 11 mises en production pour arriver à une situation bloquée d'un point de vue business après la livraison finale ! Deux ans après, l'équipe est passée à plus de 100 commits par semaine.
Leur explication, plutôt longue, est un processus avec un cycle Check, Plan, Do, dans une vision holistique. De ceci, vient une liste de pratiques sonnant assez comme les basiques d'une transition agile des quinze dernières années.
Conclusion personnelle sur la track
Sans prétention de connaître tout l'environnement agile, le contenu de la track et des expériences partagées me poussent à quelques réflexions :
- L'écart dans le niveau de maturité autour de l'agilité s'accroit de plus en plus dans les entreprises, entre celles montrant des résultats sur les sujets émergents (passage à l'agile à grande échelle, gestion des équipes distribuées) et celles semblant découvrir ce qu'est l'agile.
- Pour revenir sur ce qu'explique Robert C. Martin dans sa conférence "The Last Programming Language", l'écart se creuse entre les "pratiques agiles" d'un côté, promues pour faire simple par une couche managériale, et de l'autre les pratiques du "craftsmanship" plus mises en avant par les experts du développement.
- L'écart entre les petites et grandes organisations continuent de grandir quant aux pratiques, attentes et problèmes rencontrés.
En faisant une brève rétrospective, il me semble que cette track agile montre que le "modern agile" est finalement assez proche de l'agile "classique" avec l'utilisation de trucs similaires à ceux décrits dans les bons retours de terrain (Scrum et XP depuis les tranchées, Kanban et Scrum : tirer le meilleur des deux ou Du meilleur Scrum). Au final, le concept "d'agile moderne" reste flou, et correspond surtout à de l'Agile décrit dans le manifeste agile, avec 15 ans de recul, peu de nouvelles pratiques et beaucoup de questionnements à partager.