Le modèle Spotify peut vous aider à comprendre le mode de fonctionnement de Spotify, mais vous ne devriez pas le copier dans votre organisation. Il change en même temps que les personnes de Spotify découvrent des choses, c'est-à-dire tout le temps. Il n'y a pas qu'une seule manière de développer du logiciel chez Spotify.
Le mode de développement logiciel chez Spotify a d'abord été décrit par Henrik Kniberg et Anders Ivarsson dans Scaling Agile @ Spotify with Tribes, Squads, Chapters & Guilds [en]. Leur article de 2012 a fourni une vision de la manière de travailler à un instant chez Spotify, ou comme Kniberg l'expliquait dans son interview sur InfoQ scaling agile at spotify :
Ce n'était pas une re-fondation, mais plus un débit continu de petits processus et améliorations itératives. Nous avons grandi pendant trois ans, et la manière de travailler aujourd'hui a naturellement évolué au fil du temps.
Spotify a grandi et la manière de développer le logiciel continue de changer. Il n'y a pas qu'une manière de développer chez Spotify, l'entreprise encourage ses employés à apprendre et à adapter continuellement leur mode de fonctionnement.
Dans son entretien avec InfoQ en 2015 Learning fast at Spotify (EN - apprendre vite chez Spotify, NdT), Simon Marcus explique la manière dont Spotify essaye de grandir et de monter en maturité sans perdre son esprit de pionnier et sa culture :
Les problèmes qu'une entreprise comme Spotify rencontre au quotidien en délivrant un service à vingt millions d'utilisateurs actifs sont très différents des problèmes rencontrés par une startup cherchant son marché. Nos contraintes sont différentes, les frontières du travail sont différentes, le fait que durant les premières phases de développement tout le monde finit par se connaître et fait un peu tout, ce n'est pas vraiment envisageable dans une organisation de la taille de Spotify avec environ 1 500 personnes, dont 700 pour la partie produit technique et le design. Notre approche est ce que le futuriste Warren Benes appelle adhocratie, où l'organisation est construite par définition de manière flexible et adaptative, et est sans doute moins attentive à dégager de l'argent de chaque activité lancée. Et ce que cela implique est que nous avons, comme je le disais, une tolérance relativement forte à l'échec. Et nous avons une tolérance relativement haute pour les inefficacités pour être sûrs de faire les bonnes choses.
Une des clés chez Spotify est l'autonomie. Kristian Lindwall et Cliff Hazell de Spotify expliquaient dans une conférence en 2015 pourquoi l'autonomie est au coeur de l'agilité dans une interview InfoQ sur le rôle de l'autonomie dans l'agilité :
Autonomie est un mot d'origine Grecque. Cela signifie avoir la liberté de choisir. L'autonomie est toujours circonscrite dans des frontières. Les frontières viennent sous la forme d'une clarté et de contraintes, une chose que vous devriez chercher à rendre explicite (souvent dans le cadre des équipes). De plus, Spotify vise à pousser une culture de forte autonomie, des équipes bien alignées. Vous pouvez tout avoir, mais il faut travailler pour cela. Vérifiez que vos équipes ont accès à leurs parties prenantes et connaissent leur objectif.
Marcus Frödin, directeur de l'ingénierie chez Spotify, détaille le framework pour adopter la culture dans Spotify wants to be good at failing (EN - Spotify veut être bon dans l'échec, NdT) :
Spotify utilise un concept appelé Data Insights Beliefs Bets (DIBBs - Données Perception Croyances Paris). Les DIBBs sont des "choses que nous croyons à propos du monde, où nous voulons comprendre pourquoi nous y croyons". Les DIBBs sont appliquées sur la stratégie et la culture. (...) Spotify maintient un tableau avec les paris de l'entreprise ; les choses à faire maintenant. Ce tableau avec les paris est ouvert à tous dans l'entreprise.
Marcin Floryan, maître de chapitre chez Spotify est revenu lors de la Spark the Change London 2016 sur l'approche actuelle de Spotify sur les produits et le développement logiciel. Ceci est un résumé de son intervention.
Les gens regardent Spotify comme un modèle à suivre ou à imiter. Ceci peut impliquer un biais avec un effet de halo, explique Floryan, où les personnes voient des réussites et attendent de les obtenir en faisant de même dans leur entreprise. Ce n'est pas la manière la plus utile de regarder le modèle Spotify, explique Floryan. L'imitation est un chemin délicat.
Il suggère de prendre le modèle Spotify comme une description d'un système ou processus. Le modèle peut aider à comprendre la manière dont les choses sont faites chez Spotify, mais ce n'est pas une choses que vous devriez copier dans votre organisation.
Floryan mentionne le modèle de culture organisationnelle d'Edgar Schein, qui indique que vous ne pouvez voir qu'un petit morceau de la culture.
La Culture est aussi une abstraction, et les forces créés par les situations sociales et organisationnelles et dérivant de la culture sont puissantes. Si nous ne comprenons pas l'effet de telles forces, nous pouvons en devenir les victimes.
Des choses comme nos présupposés de base sont si bien intégrées dans le mode de fonctionnement qu'elles sont difficiles à reconnaître. En interne, Spotify essaye de parler de ces aspects de la culture et veut les rendre visibles. Floryan explique que pour eux, c'est une manière de regarder sous le capot.
Un des présupposés de Spotify est l'autonomie. Les Squads sont construites sur cela. Elles sont petites et sont responsabilisées autour d'équipes multidisciplinaires qui dirigent leur propre cycle de vie. Ce sont les Squads qui permettent à Spotify de bouger si vite. Elles n'ont pas besoin des autres parties de Spotify pour atteindre leurs objectifs et livrer de la valeur.
Floryan rappelle que l'autonomie est vain sans alignement. Atteindre l'autonomie est très dur - il y a beaucoup de défis. Par exemple, la confiance est importante pour le fonctionnement de l'autonomie. Comme exemple de confiance chez Spotify, Floryan détaille le processus d'approvisionnement matériel informatique. Il y a une commode dans le bureau de Spotify où des éléments comme les claviers, câbles, batteries, etc... sont stockés. Si un employé a besoin de quelque chose, il le prend, il n'est pas nécessaire de le commander, d'avoir la permission ou de signer une décharge.
Un autre exemple de confiance est la capacité de chacun chez Spotify à mettre en production n'importe quel code, n'importe quand, depuis n'importe où (avec des restrictions quand même, par exemple sur les systèmes de gestion des transactions par carte de crédit). Tout le monde peut voir les indicateurs de performance, a accès à la plupart de la documentation, et les objectifs de gains sont publiés en interne.
Floryan explique que donner la confiance sans proposer les bonnes informations mène vers de mauvais chemins. En revenant sur le matériel chez Spotify, le prix de chaque élément dans la commode est accroché sur une étiquette. En connaissant le prix, les employés peuvent mieux décider s'ils ont besoin d'un nouveau clavier ou non. Floryan dit que donner des informations permet aux individus de prendre les bonnes décisions dans leur contexte.
Il faut avoir un but dans l'autonomie pour que les individus fassent les bonnes choses. Celles de Spotify ont compris que la manière de penser et de réaliser les choses sont alignées avec les idées de Daniel Pink sur l'autonomie, la maîtrise et le but, et elles ont choisi d'essayer d'autres éléments de l'ouvrage "Drive". Pour Floryan, cela démontre qu'il ne faut pas commencer par un modèle ou un livre pour essayer de l'implémenter, mais plutôt de comprendre ce que vous voulez atteindre et utiliser tout ce qui vous aide pour y arriver.
Etre bon chez Spotify signifie que vous êtes vraiment bon dans le travail d'équipe, explique Floryan. On résout des problèmes en groupe plutôt qu'en demandant à des experts. Les bureaux de Spotify fournissent des espaces de collaboration. Une squad est généralement composée de trois personnes qui en sont les leaders et travaillent ensemble : une représente le produit (un product owner), un technical lead ou chapter lead représente la technologie, et un coach agile pour le processus. Ce principe de gouvernance se retrouve à tous les niveaux, et une tribu ou une alliance ont également trois personnes pour fournir une perspective produit, technique et processus.
Celui que vous pouvez devenir est plus important que celui que vous êtes maintenant, plaide Floryan. Dans un recrutement, Spotify regarde le potentiel du candidat, sa capacité à grandir et développer de nouvelles compétences.
La diversité est le lieu de fusion de plusieurs perspectives et points de vue. La diversité stimule l'innovation. C'est pourquoi Spotify porte l'attention sur ce sujet, et Floryan souligne que c'est la raison pour laquelle l'entreprise organise par exemple des sommets de la diversité.
Floryan mentionne plusieurs croyances de Spotify. Il explique "nous croyons que c'est un marathon, pas un sprint". C'est pourquoi Spotify propose du temps pour se reposer. Une autre croyance est que "celui qui apprend le plus vite gagne". Nous cherchons à faire des erreurs plus vite que tout le monde, dit Floryan en citant Daniel Ek. Spotify doit pouvoir dépasser ses échecs, avoir des boucles de feedback rapides, et avoir les données, outils et infrastructures qui permettent de créer des perspectives pour de meilleurs apprentissages.
Le modèle Spotify change tout le temps au rythme des apprentissages et découvertes des employés. On regarde ce que l'on fait, on analyse les problèmes, on les résout, explique Floryan. Il cite Taiichi Ohno posant "Il faut penser par vous-même et affronter les difficultés plutôt que d'essayer d'emprunter de la sagesse".